Abitibi 360 est une réalisation de Serge Bordeleau - Nagadam films
Épisode 5
Pagayer vers la liberté
Le 1er juillet 1967, une foule immense se rassemble au bord du lac Osisko, à Rouyn-Noranda.
C’est le 100e anniversaire de la Confédération canadienne, mais la célébration prend un tout autre sens.
En plein centre-ville, 110 hommes avec 55 canots se préparent à partir.
Ils se rendront, en ramant, à l’Exposition universelle de Montréal, l’Expo 67.
Ils n’ont encore aucune idée de ce qui les attend...
Paul Lemay est l'un d'entre eux. Il a 21 ans et il est en peine d'amour.
« Si ma blonde ne m’avait pas laissé, je pense que j’aurais manqué l’expédition. Juste à cette idée-là, j’en frémis aujourd’hui. Pour moi, c’était l’aventure! »
« Ça faisait aussi deux ou trois ans que partout, dans les journaux, on entendait parler de l’Expo 67. On s’est dit "on va y aller à l’Expo 67! Pas avec nos chars! On va y aller en avironnant!". »
« C’était une époque où tout était possible. »
« Il y avait des paris qui se prenaient pour dire : "ils ne se rendront pas à Montréal. Ils ne seront pas capables!" »
« Les derniers pionniers du Québec ont été de l’Abitibi et c’était nos parents. Ma grand-mère et mes oncles avaient transporté des poches de farine en canot. »
« Ça n'a pas été long qu'on a tous pris les techniques des gars de Senneterre! »
« Mais Senneterre, ils étaient tellement bons! Ils avaient déjà fait des courses de canot: ils faisaient 20 coups d’un bord, 20 coups de l’autre...Ils étaient loin devant! »
« Les 15-20 premiers miles sur l'eau, on essayait de montrer qu'on était meilleur que les autres... »
« Pour moi, c'était de reprendre cet exploit-là des premiers bâtisseurs. C'était LA plus grande motivation.
« C'était vraiment unique. »
« À l'époque, on ne faisait rien sans bénir tout! On avait béni les canots au départ, puis les dimanches, on avait une messe. »
Les canotiers rameront entre 50 km et 60 km par jour.
La compétition laisse place à la camaraderie et à la rigolade.
Sur la presqu'île du village de Rémigny, au Témiscamingue, les résidents adressent un discours vibrant aux canotiers.
« Messieurs les canotiers, allez dire au carrefour international de l’Expo 67 que nous existons! », lisent-ils.
Tout au long du parcours, une imposante équipe logistique suit les canotiers.
« Pour nourrir les 110 hommes, on a acheté tous les pains de Mattawa! »
Les canotiers approchent de Montréal.
Ils ont passé 26 jours ensemble.
Malgré les craintes.
Malgré la fatigue.
Malgré les vents et les vagues.
« Malgré nos différences de culture et d'éducation, on se sentait “un” et on se sentait très fiers. »
« Quand les Abitibiens vivent des choses difficiles, la différence, c'est qu'ils vont passer par dessus. Parce que nos parents, c'est ce qu'ils ont fait. »
Montréal
« Rendus vers Montréal, on était tristes que l’aventure s’achève. »
« J'avais une petite radio de poche derrière moi dans le canot. En arrivant à l'Expo, j'entends Charles de Gaule dire : “Vive le Québec libre!”
J’ai entendu le peuple crier. C'était irréel. On savait qu'on avait accompli quelque chose... »
« Je me souviens quand on est passés ici il y a 52 ans. Quand j’y repense, j’en ai des frissons. »
« Cette expédition-là, elle aura orienté toute ma vie. »